Le cardinal Jean-Pierre Ricard a reçu Alexis II, primat de l’Église orthodoxe russe, à déjeuner mercredi 3 octobre à la Maison de la Conférence des évêques de France, avenue de Breteuil.
Ce déjeuner a réuni 26 responsables orthodoxes, catholiques et protestants parmi lequels le Métropolite Cyrille de Smolensk et de Kaliningrad, Monseigneur Innocenti, le Cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, le Cardinal Roger Etchegaray, président émérite des Conseils pontificaux Justice et paix et Cor Unum, Monseigneur André Vingt-Trois, archevêque de Paris, Monseigneur Maurice Gardès, archevêque d’Auch, Président du Conseil pour l’Unité des Chrétiens et les relations avec le judaïsme, le Pasteur Claude Baty, président de la Fédération protestante de France, Monseigneur Emmanuel, Président de l’Assemblée des Evêques orthodoxes de France, le Pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la Conférence des Eglises européennes, Frère Aloïs, de la Communauté de Taizé.
Lors de son allocution de bienvenue, le cardinal Ricard a présenté les cardinaux et évêques catholiques, rappelant leur engagement œcuménique. A ce sujet, il a évoqué la création, il y a 20 ans, du Conseil d’Eglises chrétiennes en France « lieu de rencontre fraternelle, de découverte mutuelle et de témoignage commun ». « Nous cherchons, en effet, à voir comment témoigner en tant qu’Eglises chrétiennes face aux multiples problèmes et défis qui se présentent dans notre société » a-t-il ajouté, remerciant de leur présence le Pasteur Claude Baty, président de la Fédération Protestante de France, Mgr Emmanuel, président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, tout deux co-présidents du Conseil, le Pasteur Jean-Arnold de Clermont, co-président sortant et président de la Conférence des Eglises européennes.
Le cardinal Ricard a souligné les liens entre Eglises catholique et orthodoxe russe : « Ces liens existent et ils sont anciens (…). Aujourd’hui, dans le respect, la bienveillance et l’estime mutuelle, nous pouvons partager les fruits spirituels de renouveau dans la foi et de dynamisme évangélique que l’Esprit saint ne cesse de faire croître dans chacune de nos Eglises ».
Evoquant la « mission commune », il a rappelé l’importance de « témoigner aujourd’hui de la Bonne nouvelle de l’Evangile à des hommes, des femmes, des jeunes et des enfants qui ne la connaissent pas, que ce soit en Russie, en France ou dans la plupart des pays d’Europe ». Enfin il a appelé de ses vœux une réflexion commune sur « ce qui rend une société plus humaine ou au contraire la déshumanise » : « Catholiques et orthodoxes russes ont élaboré, chacun, une doctrine sociale*.Dans une société européenne marquée par un phénomène profond de sécularisation et où l’idéologie de la consommation risque d’oublier que « l’homme ne vit pas que de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu », il nous faut témoigner ensemble de la dimension transcendante et sacrée de toute personne humaine, de l’importance de la solidarité et de la destination universelle des biens ».
Alors que les Eglises chrétiennes ont rappelé quelle responsabilité les chrétiens devaient assumer dans l’édification de l’Europe lors de la dernière Assemblée œcuménique européenne de Sibiu, le cardinal Ricard a souligné que si l’on avait raison de parler des racines chrétiennes de l’Europe, il ne fallait pas en parler, seulement en termes historiques ou patrimoniaux, c’est-à-dire en référence au passé. « Il est important de montrer par l’engagement de tous les chrétiens et de toutes les Eglises que ces racines, aujourd’hui, sont sources de vie et peuvent porter beaucoup de fruits ».
Il a terminé son discours en exprimant le vœu d’une rencontre entre le patriarche Alexis II et Benoît XVI. « Celle-ci pourrait être, non pas forcément le point d’aboutissement d’un long processus de clarification préalable, même si des points doivent, de fait, auparavant être abordés, mais le point de départ commun d’une longue marche à parcourir ensemble au service de Dieu et au service tous les hommes, aimés de Dieu. Puisse votre voyage en France contribuer à impulser cette dynamique de la fraternité. Nous sommes prêts à nous y engager avec vous ».
En fin de journée Monseigneur André Vingt-Trois a accueilli le patriarche Alexis II dans la cathédrale Notre Dame de Paris, pour y prier au cours d’une célébration solennelle devant les reliques de la Passion.
André Dupleix, secrétaire général adjoint de la conférence des évêques de France écrit:
La visite en France du patriarche Alexis II – primat de l’Eglise orthodoxe russe, avec le titre de patriarche de Moscou et de toute la Russie – est un événement dont nous ne pouvons minimiser l’importance.
Cette visite était déjà souhaitée par lui, dans le cadre de ses déplacements au sein des diocèses de l’Eglise orthodoxe russe. Le diocèse de Chersonèse se trouvant en France, cela coïncidait avec la double invitation du Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à Strasbourg et du Président de la Conférence des évêques de France, le cardinal Ricard. Il est toutefois à noter que c’est la première fois qu’un primat de l’Eglise orthodoxe russe répond directement à l’invitation de la hiérarchie d’une Eglise catholique.
Est-ce surprenant ? Dans le contexte actuel, certainement pas. Et cela pour deux raisons. En inversant l’ordre probable de certains observateurs de notre histoire immédiate, je placerai la raison religieuse avant la raison politique, même si elles sont difficilement dissociables.
Nous ne mesurons pas assez la place importante de la tradition orthodoxe – jusque dans sa diversité – dans le développement du christianisme. L’un des « deux poumons », oriental et occidental, selon l’expression chère à Jean-Paul II, qui nous permettent de respirer. Les relations œcuméniques qui se sont développées depuis le Concile Vatican II nous ont appris à dépasser – certes, non sans difficulté - certains contentieux historiques, pour être témoins du même Christ. Et cela sans que les différences culturelles ou de tradition soient nécessairement des obstacles. En ce sens, nos liens avec l’actuel patriarcat œcuménique de Constantinople et l’archevêque Bartholomée 1er ne nous ont pas distanciés pour autant du patriarcat de Moscou et d’Alexis II.
Nous ne mesurons pas assez la place importante de la tradition orthodoxe – jusque dans sa diversité – dans le développement du christianisme. L’un des « deux poumons », oriental et occidental, selon l’expression chère à Jean-Paul II, qui nous permettent de respirer. Les relations œcuméniques qui se sont développées depuis le Concile Vatican II nous ont appris à dépasser – certes, non sans difficulté - certains contentieux historiques, pour être témoins du même Christ. Et cela sans que les différences culturelles ou de tradition soient nécessairement des obstacles. En ce sens, nos liens avec l’actuel patriarcat œcuménique de Constantinople et l’archevêque Bartholomée 1er ne nous ont pas distanciés pour autant du patriarcat de Moscou et d’Alexis II.
Mais la raison politique n’est pas très éloignée et ne s’oppose pas nécessairement à la responsabilité spirituelle qu’ont maintenue, jusque dans les contextes les plus troublés – à ne pas juger trop vite sans discernement nécessaire – les chefs de ces Eglises sœurs mais tenant à leur singularité. Alexis II a rappelé, au nom de sa propre mission, les valeurs fondamentales du christianisme, qui ne doivent pas être marginalisées et peuvent développer notre responsabilité morale et spirituelle, tout en permettant, dans le respect de l’espace religieux, un véritable dialogue des cultures et des civilisations.
Et puis, Alexis II, c’est, tel qu’en lui-même, un écho profond de la Russie… Et j’écoute en cet instant le deuxième concerto de Rachmaninov…
No comments:
Post a Comment